Transfert d’entreprise : vente d’actifs ou vente d’actions?
Lorsqu’il est question de vendre ou d’acheter une entreprise, une question centrale revient systématiquement : faut-il structurer la transaction comme une vente d’actifs ou comme une vente d’actions? Ce choix est fondamental, puisqu’il influencera non seulement la fiscalité de l’opération, mais aussi les risques juridiques et les démarches administratives à entreprendre.
On pense souvent, à tort, que seul le prix d’achat final importe. Pourtant, la forme de la transaction peut représenter des différences monétaires très importantes pour chacune des parties. C’est pourquoi il est essentiel d’être bien informé avant de conclure une vente d’entreprise.
Responsabilités et risques assumés par l’acheteur
Dans une vente d’actions, l’acheteur acquiert la société dans son ensemble, y compris ses actifs, ses passifs (dettes), ses contrats antérieurs et futurs de même que ses litiges éventuels. Cela signifie que l’acheteur hérite également de l’historique fiscal et juridique de la société.
Il pourrait donc devoir assumer des conséquences liées à des événements passés, même s’ils surviennent des années après la transaction.
À titre d’exemple, si un système de chauffage installé par l’entreprise en 2021 cause un dommage après la vente d’actions en 2025, la responsabilité incombera indirectement à l’acheteur dans le cadre d’une vente d’actions, puisqu’il sera propriétaire des actions de la société responsable du dommage.
Pour se protéger, il est fréquent de prévoir dans la convention d’achat/vente d’actions :
- Des représentations et garanties du vendeur;
- Des clauses d’indemnisation en cas de litige;
- Une retenue sur le prix de vente (souvent via un compte fidéicommis) pour s’assurer que le vendeur pourra être dédommager facilement en cas de besoin.
Tandis que dans une vente d’actifs, l’acheteur choisit précisément les éléments à acquérir.
Il n’achète pas l’entité juridique ni ses passifs, ce qui réduit grandement ses risques. Toutefois, il peut subsister un risque réputationnel pour l’acheteur si celui-ci achète le nom de l’entreprise.
L’exonération pour gain en capital : un incitatif déterminant pour le vendeur
Le principal avantage fiscal pour le vendeur associé à la vente d’actions est l’exonération pour gain en capital (EGC). Cette exemption permet de ne pas payer d’impôt (sous réserve de l’impôt minimum de remplacement) sur le premier 1 250 000 $ de gain en capital réalisé lors de la vente d’actions qui sont des actions admissibles de petite entreprise.
Pour bénéficier de l’EGC, certaines conditions doivent être respectées, notamment :
- Le vendeur doit être un particulier ou une fiducie;
- Le vendeur doit détenir les actions depuis au moins 24 mois.
- Pendant les 24 mois qui précèdent la vente, 50% des actifs de l’entreprise doivent être des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada
- Le jour de la vente, 90 % des actifs de l’entreprise doivent être des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada
Une planification fiscale proactive doit donc être amorcée plusieurs années avant la vente pour l’utilisation adéquate de cet avantage fiscal.
L’enjeu de l’amortissement fiscal
L’amortissement fiscal est une déduction permettant de déduire le coût de certains biens (immeubles, équipements, etc.) sur plusieurs années selon les règles fiscales en vigueur.
Dans une vente d’actifs, l’acheteur peut recommencer à amortir les actifs selon le prix qu’il a payé pour les acquérir, ce qui va permettre à la société de réduire son revenu imposable dans les années suivant l’acquisition des actifs et donc augmenter ses liquidités.
Dans une vente d’actions, il y a continuité des attributs fiscaux liés aux actifs, c’est-à-dire que l’amortissement déduit dans le passé limite ce que pourra déduire la société dans le futur pour ces mêmes actifs. Cette situation peut engendrer une perte d’économie fiscale pour l’acheteur, ce qui peut justifier une négociation à la baisse du prix de vente, dans le cadre d’une vente d’actions.
Pour le vendeur, une vente d’actifs peut également entraîner une récupération d’amortissement, c’est-à-dire l’imposition rétroactive de montants amortis dans le passé donc des coûts fiscaux de transaction supérieurs.
Les attributs fiscaux transférés dans une vente d’actions
Dans une vente d’actions, certains avantages fiscaux restent disponibles pour l’acheteur.
Voici des exemples de ces attributs fiscaux :
- Sous réserve de certaines conditions, les pertes d’entreprise reportables, qui peuvent réduire l’impôt futur de l’acheteur;
- L’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD), qui peut être récupéré par la société lors de distributions futures de dividendes.
Taxes de vente et droits de mutation
Une différence importante entre les deux types de transaction concerne les taxes (TPS/TVQ) et les droits de mutation.
Dans une vente d’actions :
- Il n’y a généralement pas de TPS/TVQ.
- Aucun droit de mutation ne s’applique, même si la société détient un immeuble.
Dans une vente d’actifs :
- La TPS/TVQ peut s’appliquer, sauf exceptions prévues par la loi.
- Si un immeuble est vendu, des droits de mutation seront exigibles, et ceux-ci ne sont ni remboursables ni déductibles mais plutôt capitalisables.
Ces coûts doivent être pris en compte dans l’évaluation financière de la transaction.
Complexité opérationnelle et administrative
Sur le plan opérationnel, une vente d’actions est souvent plus simple, puisque le transfert se fait par le biais d’un changement d’actionnaires et parce que les comptes bancaires, les ententes avec les clients, les contrats d’assurance, numéros fiscaux et autres éléments administratifs demeurent inchangés.
Dans une vente d’actifs, chaque bien doit être transféré individuellement, avec tous les ajustements opérationnel et administratif que cela implique (nouveaux contrats, enregistrements, etc.). Cela peut être beaucoup plus complexe pour un acheteur qui souhaite se concentrer rapidement sur la gestion de la nouvelle entreprise acquise.
Conclusion: un choix à bien planifier
Le choix entre la vente d’actifs et la vente d’actions dépend de plusieurs facteurs, tels que la fiscalité, les risques juridiques, les objectifs financiers et la structure de l’entreprise.
- Le vendeur préférera généralement la vente d’actions, en raison des économies d’impôt possibles grâce à l’exonération pour gain en capital.
- L’acheteur, de son côté, favorisera souvent la vente d’actifs, pour réduire les risques juridiques et maximiser les déductions fiscales futures.
Ce choix, bien qu’essentiel, ne devrait jamais être fait sans l’avis de professionnels compétents. Un accompagnement juridique et fiscal, amorcé tôt dans le processus, permet de structurer la transaction de manière optimale et d’éviter des conséquences coûteuses.
Vous planifiez un transfert d’entreprise? Notre équipe peut vous accompagner à chaque étape pour sécuriser et optimiser votre transaction.